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Acheter une maison ou un immeuble multirésidentiel ?

22 avril 2021   |   Par Félix Blanc

Lorsqu’on commence à gagner des sous, une question se pose généralement assez vite : continuer à être locataire, ou alors s’acheter une maison (ou un condo) pour y habiter. Pour certains, être locataire, ça revient à jeter à la poubelle, chaque mois, de l’argent qu’on aurait pu capitaliser dans le remboursement d’une hypothèque. D’autres voient surtout le coût d’opportunité découlant du fait de devoir immobiliser un bon montant en guise de mise de fond, qui aurait pu être investi ailleurs, dans le but de générer un rendement offrant une meilleure performance.

La réalité, c’est que ça dépend. Mais ça dépend de quoi au juste ? Principalement de votre capacité à contracter du levier, de vos priorités en termes de création de valeur vs de cashflow et de la croissance de votre secteur.

La capacité à contracter du levier

L’une des premières choses que l’on réalise en ingénierie financière, c’est que le moins on met de son argent dans un projet, le plus on bénéficie d’un effet de levier. Imaginons par exemple que vous achetiez une maison avec 5% de mise de fonds. Pour simplifier le calcul, il n’y aurait aucunes dépense d’opération, ni frais hypothécaires, ni impact temporel sur l’argent. Supposons maintenant que la valeur de votre maison augmente de 10% en un an, conséquemment à la prise en valeur de votre secteur. En immobilisant 5% de la valeur de votre maison en mise de fonds, vous auriez généré, en un an, 10% de la valeur de votre immeuble, soit deux fois votre mise. On parlerait donc ici d’un rendement sur mise de fonds de 200%, et, en passant, ce gain en capital serait entièrement exonéré d’impôt à la revente.

Ça peut donc être une option intéressante, mais encore faut-il être capable de se qualifier auprès de son institution financière pour un prêt assuré, car inutile de dire qu’avec une hypothèque de 95%, les paiements mensuels seront considérables : la banque voudra s’assurer que vos ratios d’endettement pourront les soutenir, ce qui pose parfois problème pour les investisseurs immobiliers qui sont, quelques fois, structurés fiscalement pour avoir l’air de crève-faim aux yeux de l’impôt (selon l’ami d’un de mes amis).

Création de valeur ou cashflow

Mais par ailleurs, avoir à porter le poids d’une hypothèque de 95% sur ses épaules, même si ça peut être très efficace pour augmenter sa valeur nette, c’est beaucoup moins efficace pour augmenter ses cashflows au quotidien. Un petit condo de 800 pieds carrés à Montréal à 500k$, avec 5% de mise de fonds, même à 2% d’intérêt, ça représente des paiements hypothécaires mensuels de plus de 2k$/mois auxquels se greffent toutes les dépenses opérationnelles. Bref, même si théoriquement votre valeur nette augmente, sur le court terme (et jusqu’à la revente ou jusqu’à la fin du remboursement de votre hypothèque), ça assèche vos cashflows quotidiens. Finie la grande vie de millénial ! Vous devrez planifier l’ampleur des injections que vous aurez à effectuer, et pour ceux qui rêve d’indépendance financière, la perspective d’avoir à supporter le poids d’une hypothèque pendant 25 ans, ou d’être contraint à revendre pour se libérer de cette charge, peut déplaire.

Ceci dit, si l’alourdissement de vos cashflows personnels vous rebute, rien ne vous empêche de faire le choix de demeurer locataire et d’investir en immobilier parallèlement. Eugène Tassé, un magnat de l’investissement immobilier québécois s’amusait à répéter qu’avoir une maison, c’est pour les riches. Bref, ce monsieur Tassé était plutôt du bord de cette école de pensée qui encourage à prioriser davantage l’investissement multilocatif que l’investissement dans une propriété unifamiliale. Car la beauté de la chose, c’est qu’une fois stabilisé, un immeuble multilocatif se paye en principe de lui-même, sans besoin de réinjections personnelles constantes.

La croissance du secteur

À mon sens, c’est donc une décision justifiable de gérer indépendamment l’habitation et l’investissement immobilier si : l’accès au levier est difficile, on veut éviter de charger ses cashflows quotidiens personnels, et que l’on habite dans un secteur qui prend peu en valeur. Car si les maisons unifamiliales du Plateau Mont-Royal ont gagné 24% en valeur médiane cette année, il en va autrement des maisons unifamiliales de Saint-Alexis-Des-Monts, où l’on observe un recul de 7% sur la médiane des unifamiliales. Dans cette dernière situation, non seulement la performance financière de votre mise de fonds dans une unifamiliale qui perd en valeur sera nécessairement moindre que ce que vous pourriez créer en valeur dans un projet voué à générer un rendement, mais en plus, ça alourdira inutilement vos cashflows personnels quotidiens.

Pour conclure, votre capacité à bénéficier d’un grand levier, vos objectifs en termes de création de valeur ou de cashflows ainsi que la croissance des valeurs de votre secteur joueront pour beaucoup sur l’impact financier qu’aura votre décision. Inutile de dire qu’il y a aussi d’autres facteurs, qui ne sont pas d’ordre financier qui entreront en compte : être locataire, ça peut être très bien pendant un moment, mais c’est aussi normal de vouloir devenir un jour maître chez soi lorsqu’on en a les moyens. Ceci dit, à ce moment-là, pourquoi ne pas considérer investir dans un plex en tant que propriétaire occupant?