L’industrie canadienne de l’immobilier a obtenu ce qu’elle attendait du dernier budget fédéral, c’est-à-dire « rien » ou presque. Le gouvernement du Canada a publié le budget de l’année 2021, le 19 avril dernier. Bien que le logement soit devenu un problème bouillonnant, et que plusieurs acteurs attendaient des actions concrètes, il a été largement ignoré selon eux. Il y avait peu d’engagements dans le budget de Trudeau qui auraient une incidence sur les prix du marché immobilier à court terme.
En effet, Christian Bordeleau, CFO MREX, a confié lors d’un entretien, « En terme empirique, les budgets du fédéral ont peu d’impact sur les déterminants de la demande. C’est lorsque l’exercice budgétaire se transmet en politique publique et est mis œuvre que des incitatifs peuvent influer ou non sur la demande et donc ultimement les prix. »
« Cela peut prendre un, deux voire trois ans avant que de telles mesures budgétaires, si elles sont prises, se traduisent par des incitatifs sur la demande de logements », a expliqué Bordeleau durant l’entretien. Voilà donc de quoi comprendre la dynamique actuelle du gouvernement.
La réglementation sur la propriété effective pas avant l’an 2025
Un point important du budget était d’apporter la transparence sur les avoirs en propriétés des entreprises, car au Canada, il est difficile d’accéder aux renseignements sur la propriété effective des fiducies et des sociétés par actions. Les renseignements sur la propriété effective permettent de savoir qui détient une participation de contrôle dans une entité. La propriété effective devient donc, importante pour découvrir les crimes ou fraudes de nature financière. Souvent, le détenteur ou la personne qui finance l’achat de l’actif reste inconnu et n’est pas suivi. Le Canada prévoit de mettre fin à cela dans un avenir lointain, dans 4 ans, selon les annonces qui perdurent au fil des budgets.
Le gouvernement a accordé 2,1 millions de dollars à l’appui de la création d’un registre accessible au public. Le registre a une date cible d’entrée en vigueur en 2025. La longue mise en œuvre signifie qu’il ne se passera pas grand-chose à court terme. Dans les faits, vous êtes susceptible de choisir une nouvelle maison à un prix plus élevé auprès de quelqu’un qui cherche à éviter d’être révélé au grand jour. Pour le contexte, rappelons que le Royaume-Uni avait un problème similaire, et a lancé un registre cette année pour pallier ce problème.
Taxe nationale des acheteurs étrangers de 1% par an
Le Canada mettra en œuvre une taxe nationale sur les biens immobiliers résidentiels touchant les non-résidents et les non-Canadiens. La taxe sera un 1% annuel dépendamment de la valeur imposable du bien considéré comme vacant ou sous-utilisé par un non-résident. La taxe sera mise en place d’ici le 1er janvier 2022. L’impact devrait être minime, étant donné que Toronto et Vancouver ont déjà des impôts pour les non-résidents. Vancouver a également une taxe d’inoccupation récurrente, et Toronto la fera également mettre en place l’année prochaine.
Les acheteurs non-résidents posent de moins en moins de problèmes depuis quelques années. On ne sait pas ce qu’ils essaient d’accomplir ici, mais les données récentes de la Colombie-Britannique montrent que ces acheteurs non-résidents représentaient environ 1% des transactions. Pas assez pour peser dans la balance et ceux-ci représentent un groupe démographique plus susceptible de payer la taxe sans remous.
Le capital étranger est une question différente qui n’est pas abordée. Le constat soulevé par un politicien plutôt au mois d’avril est que les logements sont hors de portée vu leur prix. Il ne semble pas y avoir beaucoup de solutions, selon lui.
Des fonds pour abriter les plus vulnérables
Le gouvernement engage des fonds pour abriter les plus vulnérables. Il y avait 3,8 milliards de dollars de financement, dont 2,5 milliards de dollars étaient nouvellement alloués. Ces nouveaux fonds seront utilisés pour des projets principalement destinés aux communautés marginalisées. Le logement à loyer modique et le logement pour les personnes ayant des problèmes d’accessibilité font partie des aides à promouvoir.
Les 1,3 milliard de dollars restants ont été affectés à des placements existants ou à l’avancement d’engagements antérieurs. Ces financements sont regroupés en divers engagements de construction, de réparation, de transformation ou de création de logements. Les détails sont rares, mais cela ressemble à une subvention du logement du marché qui pourrait hypothétiquement préserver les prix des maisons à des niveaux plus élevés, mais c’est une conversation différente. La loi de l’offre et la demande permettra certainement de répondre à cette question le moment venu.
Le logement est l’un des plus gros problèmes pour le gouvernement, mais il a montré des engagements faibles. Rappelons que ce sont les provinces qui ont autorité en ce qui concerne ultimement, le logement.
Dans l’ensemble, le financement annoncé créera autour de 35 600 unités d’habitations sur plusieurs années. Cela réduit à peine le nombre d’unités nécessaires pour desservir tous les besoins.
La question reste à savoir si la Banque du Canada a quelque chose en préparation dans les prochaines semaines ou si elle continuera à ignorer le marché chaud de l’habitation.
« La notion de crise est très temporelle », a déclaré Bordeleau.
« On peut penser que ce serait plutôt une hausse des taux d’intérêt par la Banque du Canada qui est susceptible de dissiper la crise à travers des mesures qu’elle mettrait en place, pas l’exercice de politique budgétaire qui vient du gouvernement Trudeau », a déclaré Bordeleau pour terminer notre entretien, tenant à rappeler le rôle de chaque partie prenante.