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Le travail à distance met-il en péril le développement immobilier axé sur le transport en commun?

28 avril 2021   |   Par Kadiatou Bah

Nombreux sont les développeurs immobiliers, à l’origine des projets de développement axé sur les transports à travers le pays, qui observent les changements progressifs opérés par la pandémie. Pour ces développements qui tirent beaucoup de valeur d’incitatifs fiscaux liés à la proximité avec des lignes de transport, le fait que le transport en commun apporte un semblant de sécurité au public est certainement une bonne chose. 

D’un autre côté, les gens se sont créé des habitudes et le fait que le vaccin prendra probablement près d’un an pour atteindre tout le monde signifie que la plupart des personnes auront déjà des routines alternatives au moment où les choses reviendront vraiment à la normale. Les développeurs axés sur les transports en commun devront affiner et élargir leurs idées pour faire de meilleures offres immobilières, s’ils veulent prospérer dans ce Nouveau Monde qui se dessine.

Le plus grand marché pour les propriétés, c’est-à-dire les personnes qui travaillent dans les zones urbaines et qui souhaiteraient un court trajet pour se rendre à leur travail, diminue rapidement. 

Le coupable est le travail à distance.  L’attractivité des appartements situés sur une ligne de transport en commun, garantissant ainsi un accès facile au lieu de travail, s’effrite face à un travail qui peut être fait de n’importe où, selon plusieurs experts.

Lors d’un webinaire en octobre 2020, intitulé Perspectives économiques et immobilières de la 2e vague , Nikolaï Ray Président chez MREX, discutait avec ses trois invités des enjeux liés aux transports structurants entre autres choses.

Dr Christian Bordeleau, Ph. D., et CFO chez MREX, intervenait en déclarant « Les transports structurants, c’est le passé, pas le futur ». Il faisait valoir ses points en se basant sur les données, des perspectives d’avenir de l’industrie automobile qui viendrait aussi mettre à mal, la demande pour ces types de projets. « Je ne pense pas qu’on aura des gens qui prennent un train avec des interconnexions modales dans 50-60 ans, je ne pense pas que c’est là on s’en va », renchérit-il.   

Ce ne sont pas les seuls défis auxquels sont confrontés les projets axés sur le transport en commun. Alors que le travail à distance réduit la demande de transport en commun, une nouvelle étude a indiqué que l’un des avantages des projets avec transports structurants pourrait ne pas être aussi efficace qu’annoncé. L’avantage en question est d’encourager la fréquentation des transports en commun. C’est à peu près universellement considéré comme une bonne chose dans les milieux urbains. 

Le transport en commun est beaucoup moins producteur en carbone et généralement beaucoup plus efficace que la conduite de voitures individuelles, pourrait-on penser. Eh bien, selon la nouvelle recherche du Mineta Transit Institute, qui fait partie de l’Université d’État de San Jose, les projets avec du transport structurant sont nettement moins efficaces que prévu pour promouvoir l’achalandage des transports en commun. 

Un certain nombre de raisons attestent que le stationnement incitatif en périphérie des villes semble être plus efficace que les projets de développement axés sur les transports pour amener les gens à plus utiliser les bus et les métros. Les nouveaux développements axés sur les transports en commun ne peuvent attirer que des personnes capables de déménager dans une nouvelle résidence. Si vous faites partie des millions de personnes qui n’ont pas la liberté, financière ou personnelle, de déménager, alors ces développements ne font pas grand-chose pour vous. Et n’oublions pas que le nombre de propriétaires d’automobiles est en croissance. La croyance populaire a toujours été que si les gens devaient monter dans leur voiture pour se déplacer, ils préféreraient simplement conduire. Mais l’efficacité des stationnements incitatifs prouve que ce n’est pas toujours le cas. De nombreuses lignes de transport en commun sont beaucoup plus rapides et plus fiables pour se rendre dans les centres-villes, il est donc plus rapide de se garer à certains points en dehors de la ville, une solution plus facile à la conduite quotidienne de nombreuses personnes. Ainsi, alors que les projets de transports structurants aident uniquement leurs propres résidents à se rendre au transport en commun, les stationnements incitatifs aident toute personne ayant une voiture, même les personnes qui vivent elles-mêmes dans des propriétés axées sur le transport en commun.

Une possible réduction de l’achalandage en raison d’une main-d’œuvre de plus en plus éloignée va amener à repenser la façon dont le transport en commun s’intègre dans l’environnement urbain.

Le développement autour des lignes de transport en commun présente plus d’avantages que la simple augmentation du trafic de transit. Bien que la réduction du nombre de voitures sur la route soit une bonne chose, le trafic piétonnier se voit aussi stimuler par ces projets. Ainsi, ils profitent aux entreprises locales, réduisent l’étalement urbain et ont un effet positif sur la santé publique en encourageant des modes de vie plus sains et actifs. 

Alors que le travail à distance réduit la nécessité pour certains travailleurs de se déplacer tous les jours, les villes restent des pôles d’activités importants pour leurs régions métropolitaines.  Au cours des années 1970, la valeur de l’accès et de la proximité de la ville centrale a été remise en question, mais les chercheurs ont observé que la ville centrale restait importante pour les industries de services de grande valeur. Et même si certaines industries en particulier s’en éloignent plus rapidement que d’autres, les développeurs de projet avec un volet de transport structurant peuvent toujours satisfaire un besoin non satisfait en se concentrant sur le logement de la main-d’œuvre, car ce marché est le plus susceptible de faire la navette. Cela peut entraîner des réductions pour la demande de ces nombreuses propriétés, qui sont souvent vues comme étant riches en commodités. Mais la proposition de valeur fondamentale du développement de cesdits projets, c’est-à-dire une vie de haute qualité dans des quartiers accessibles à pied à proximité des lignes de transport en commun, s’appliquerait toujours. 

L’autre option c’est que les développeurs de projets à transports structurants se penchent sur la nouvelle réalité, le travail à domicile. Bien sûr, les emplois peuvent être éloignés, mais les cafés, les bars et les salles de concert ne le sont pas. Lorsque les villes reprennent vie, vivre à proximité ou sur une ligne de transport en commun qui offre un accès facile à toutes les possibilités de loisirs de la ville avec peu de tracas est plus qu’appréciable. Cela pourrait ne pas être trop difficile à vendre, les travailleurs à distance sont déjà connus pour payer plus de loyers en moyenne

Tommy Archambault, Courtier immobilier a déclaré durant le webinaire « Ce n’est pas dans trois ans que tous les changements vont se faire ». Il faisait allusion au fait que la pandémie ait apporté des nouvelles réalités, mais que celles-ci prendraient du temps à se matérialiser concrètement dans le marché.

Les développeurs axés sur le transport en commun devraient également envisager d’étendre leurs investissements aux banlieues qui connaissent aussi de l’inflation dans les valeurs des propriétés.

En positionnant de nouvelles propriétés axées sur les transports en commun dans ces marchés moins denses déjà définis par l’étalement, ils pourraient faire beaucoup très rapidement pour accroître la densité et construire des quartiers accessibles à pied là où ce serait le plus nécessaires. Ces propriétés pourraient être commercialisées auprès de jeunes familles qui cherchent à conserver l’ambiance de la ville et à accéder aux loisirs tout en se dirigeant vers des endroits où l’espace est le plus abondant, potentiellement près des amis et de la famille préuniversitaire. À l’avenir, les propriétés axées sur le transport en commun pourraient non seulement être situées près des lignes de métro, mais aussi des trains de banlieue ou même des lignes de bus.

En intervenant dans le webinaire, Francis Lessard, Entrepreneur et Architecte, affirmait croire « fermement aux projets avec transports structurants ». En répondant à la question de Ray à savoir ce sur quoi un investisseur devrait se baser pour acheter dans 10-15 ans, Lessard cita sans hésiter « le transport structurant » en plus de la connaissance de la ville et la tendance dans la construction des maisons neuves.   

Le travail à distance modifie certainement la proposition de valeur des développements axés sur les transports en commun, mais il ne la détruit pas. Les villes sont vibrantes et pleines de vie. Même sans le besoin d’aller au bureau, les meilleures villes du monde vendront une quantité disproportionnée de capital culturel. Permettre à plus de banlieusards de vivre la vie de rêve urbaine est une opportunité que les développeurs ne devraient pas ignorer.

Lien vers le webinaire 

https://youtu.be/M5hwmjTXhcw